Éboulement de la Falaise de Dschang
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Entretien avec le Professeur Armand Kagou, Géologue et Enseignant-Chercheur
Dschang,UDs/SIC-11/11/24.Suite au tragique éboulement survenu le 5 novembre 2024 à la falaise de Dschang, qui a fait 12 victimes (bilan provisoire), les opérations de secours continuent pour retrouver les personnes portées disparues. Le Professeur Armand Kagou, géologue et enseignant-chercheur à l’Université de Dschang, partage son analyse sur les causes de ce glissement de terrain et les enjeux de sécurité pour les populations de cette zone à risque. Il évoque également les mesures à prendre pour prévenir de futurs incidents.
SIC-UDs : Quelles sont les principales causes de cet éboulement massif ? Peut-on identifier des facteurs déclencheurs, tels que des événements naturels ou des activités humaines ?
Pr Armand Kagou : L’une des causes principales de cet éboulement est la saturation du sol due aux fortes pluies qui ont récemment touché la région de l’Ouest. Ce surplus d’humidité a fragilisé le manteau d’altération, et la pente abrupte du massif n’a pas pu résister. En général, ces phénomènes surviennent pendant les périodes de fortes pluies, mais, ici, la pluie avait cessé depuis environ dix jours. Durant ce laps de temps, l’eau s’est évaporée, provoquant une contraction du sol et la formation de fissures au sommet du massif. Les usagers de cette route ont peut-être observé de petites chutes de blocs ces derniers jours, signes avant-coureurs de l’instabilité du relief. Les vibrations provoquées par le passage de gros engins sur cet axe ont également pu contribuer à l’éboulement.
SIC-UDs : Pourquoi des répliques sont-elles attendues, et quels sont les risques associés ? Comment ces répliques pourraient-elles affecter la stabilité de la falaise et la sécurité de la région ?
Pr Armand Kagou : Des répliques sont probables car la nature cherche à retrouver son équilibre. Il serait risqué de rétablir la circulation dans cette zone pour le moment, car cela pourrait accentuer les déséquilibres existants. La tentative de rouvrir la route après le premier éboulement, survenu à 10h30, a sans doute contribué au second éboulement, encore plus important. Actuellement, des signes d’instabilité persistent, comme l’apparition de nouvelles sources d’eau au pied de l’éboulement. Bien que l’activité humaine ait joué un rôle limité dans cette situation, l’épaisseur du manteau d’altération combinée à la pente abrupte, aggravée par l’humidité, a été un facteur déclencheur important.
SIC-UDs : Quelles mesures peuvent être prises pour protéger les populations environnantes et stabiliser la falaise ? Existe-t-il des interventions spécifiques pour minimiser les risques futurs et garantir la sécurité sur cet axe ?
Pr Armand Kagou : La première mesure est de fermer temporairement l’accès au site afin de réaliser des études géotechniques approfondies (évaluation de l’épaisseur du sol, de la cohésion, de l’angle de frottement, de la stabilité des pentes, etc.). Ces analyses permettront d’identifier les zones les plus fragiles pour éviter d’autres pertes. Il est crucial de mener cette étude non seulement sur le site touché, mais également le long de l’escarpement de Santchou. Il vaut mieux subir temporairement des désagréments dus à la fermeture de la route que de risquer de nouvelles pertes humaines. Ce phénomène est naturel et, bien qu’il puisse susciter certaines croyances et rites traditionnels, il est essentiel de rester attentif aux signes de la nature pour mieux se protéger.
Interview réalisée par Mme Viviane KAMGA