L’ÉVALUATION DES MÉMOIRES DE MASTER À L’UNIVERSITÉ*

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CHRONIQUE LIBRE EN 10 ÉDITIONS ,Alexandre T. DJIMELI
Université de Dschang (Cameroun)
_Chronique n°2_
*QU’ÉVALUE-T-ON DANS UN MÉMOIRE ?*
Dschang,UDs/SIC-11/03/25.« Je ne comprends pas les gens de l’université-ci. Un enfant parle comme ça et on fait comme s’il n’avait rien dit jusqu’à lui donner une mauvaise note ? »_ Ce genre d’étonnement est courant chez les personnes qui, n’appartenant pas à la communauté universitaire, sacrifient de leur temps pour assister aux soutenances publiques de mémoires ou de thèses. Il y en a d’autres : _« Les membres du jury ont passé leur temps à le menacer et à montrer qu’il a mal travaillé. C’était comme s’il ne connaissait rien ; à la fin, on lui donne la mention ‘très bien’ comment ? »_ Les interprétations des comportements des évaluateurs et des évalués par ceux qui assistent à la soutenance sont complexes. Elles divergent souvent significativement et s’opposent parfois diamétralement. Qu’y comprendre ? Pour tenter une réponse, il est utile de se préoccuper préalablement d’une autre question : au juste, qu’évalue-t-on dans un mémoire de recherche du niveau Master ?
Cette question relève a priori de la banalité car on nous opposera le fait que l’on évalue des mémoires depuis des lustres. Une telle interrogation se justifie cependant par les tergiversations observées lors de certaines soutenances dans les institutions publiques et privées d’enseignement supérieur au Cameroun et, surtout, par les impressions des observateurs de cet exercice. Le public qui ne saisit pas toujours les logiques de l’exercice en sort souvent désabusé, faute d’explication probante pouvant l’apaiser. D’où l’actualité renouvelée de la question : qu’est-ce que les candidats, les encadreurs et les examinateurs doivent avoir comme base commune de référence dans le processus d’évaluation d’un mémoire ?
Avant de proposer une esquisse de réponse à cette question, il semble utile de revenir sur ce que c’est qu’un mémoire de recherche. Dans un contexte où l’on insiste sur l’utilité de la recherche universitaire, on peut simplement définir le mémoire dont nous parlons de la manière suivante : analyse scientifique qui fait la synthèse des savoirs disponibles sur un sujet pertinent et propose, sur la base d’une enquête, une réflexion originale exposant une nouvelle compréhension de l’objet ou du phénomène étudié, assortie de pistes pour l’action. Dans l’évaluation des mémoires, l’on vérifie globalement si cette définition est applicable au travail présenté par l’étudiant(e). En le disant ainsi, on peut croire qu’il s’agit d’un exercice facile. Ô que non ! Les étudiants ont devant eux plusieurs adversaires. L’un des plus coriaces, avec l’application du système « Licence-Master-Doctorat », c’est le temps qui leur est imparti pour faire le travail de recherche, à côté des cours.
Dans les établissements où il y a une sélection à l’entrée du cycle de Master, on peut estimer que ce temps est de 18 mois puisque le/la concerné(e) peut s’y lancer dès la première année. Dans ceux où la sélection n’a lieu qu’au second pallier du cycle M, l’on peut penser que ce temps est de 09 mois. Lorsqu’on regarde les calendriers des universités, l’on voit que les sélections en M2 ont généralement lieu entre octobre et novembre. Dans les mêmes calendriers, les cours à ce niveau débutent bien souvent en décembre et les soutenances sont programmées vers la fin du mois de juin ou début juillet. En réalité, l’étudiant qui se trouve dans cette situation n’a que 05 mois pour produire son mémoire.
Ce(tte) dernière bénéficie souvent d’une facilité : la sélection en M2 se fait sur la base d’un projet de recherche. Ainsi, on peut penser qu’il/elle pourra aller vite. À l’observation, cependant, nombre de ces projets sont des coquilles presque vides. On constate régulièrement que c’est après l’admission à une inscription en M2 que l’étudiant cherche un vrai sujet. En conséquence, beaucoup n’arrivent pas à déposer leurs mémoires à temps. Ou alors ils/elles déposent des travaux bâclés. Nous suggérons habituellement que les sujets proposés par les étudiant(e)s dans leurs dossiers de demande de sélection en M2 soient déjà ceux de « terms papers » qu’ils/elles auraient réalisés en M1. Il s’agirait là d’un sujet sur lequel ils/elles ont déjà une connaissance préalable, au moins celle de la littérature. Nous suggérons aussi fréquemment que les devoirs de contrôle continue des enseignements sur les théories (de la disciplines) et les méthodes de recherche soient centrés sur les sujets pressentis par les étudiant(e) comme devant être ceux de leurs mémoires.
En prenant en compte toutes les contraintes et les « facilités » sus évoquées, le jury vérifie si les principaux aspects de scientificité, de pertinence sociale et de conformité académique sont respectés dans un mémoire. Je voudrais rassurer ici les observateurs : en soutenance, l’on ne s’attarde plus outre mesure sur ce qui a été bien fait, mais sur les aspects perfectibles du travail. Avant de venir, en effet, chaque membre du jury a déjà une idée de la qualité des minima « mis sur la table » par le/la candidat(e). De quoi ces minima sont-ils concrètement constitués ?
*Prochain article : LES POINTS CARDINAUX DE L’ÉVALUATION D’UN MÉMOIRE*