L’ÉVALUATION DES MÉMOIRES DE MASTER À L’UNIVERSITÉ – CHRONIQUE LIBRE EN 10 ÉDITIONS

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Chronique n°8 APPRÉCIER LA CONDUITE DE L’ANALYSE
Alexandre T. DJIMELI
Université de Dschang (Cameroun)
Dschang,UDs/SIC-17/03/25.Tout ce que l’évaluateur du mémoire a jusque-là vérifié constitue ce que l’on pourrait appeler des prérequis. Cela étant, il faut se rappeler que le mémoire est une production personnelle ou personnalisée. Parmi les éléments à partir desquels la personnalité du mémoire est jugée, il y a l’analyse que propose l’auteur. L’appréciation de cette analyse ne se fait pas simplement à l’aune de de savoirs existants restitués « en d’autres termes ». L’exercice consiste surtout à voir comment ces savoirs sont effectivement appliqués. La vérification de cette application peut se faire en répondant à certaines questions dont les principales sont les suivantes : (1) l’auteur du mémoire a-t-il un raisonnement logique et cohérent ? (2) ses développements vérifient-ils les hypothèses et répondent-ils aux questions posées ? (3) formule-t-il, à partir de la réflexion qu’il propose, des perspectives intéressantes aussi bien en termes de recommandations qu’en termes de nouveaux questionnements ? Etc.
Dans l’appréciation de la conduite de l’analyse, l’évaluateur porte ainsi en premier lieu son attention sur la manière dont le candidat raisonne : principes du raisonnement – principe d’identité, principe de non contradiction, principe de raison suffisante, etc. – les types de raisonnement (inductif, déductif, par analogie, ou autre), … Il est appelé à voir si ces principes, du moins ceux qui sont pertinents pour la recherche évaluée, sont respectés. Il devrait se prononcer sur la question de savoir si le type de raisonnement choisi sied au type de recherche menée. L’appréciation de l’analyse implique aussi et surtout la vérification de la progression dans la réflexion. Qu’il soit permis de rappeler ce que nous disait toujours un de nos maîtres : « La recherche c’est l’unité et le mouvement ». Si l’unité dans un mémoire de recherche est acquise à partir d’un concept central – ou d’une question principale ou encore d’une hypothèse générale – duquel découle le reste, il faut bien vérifier comment, justement, ce « reste » s’écoule. Cela renvoie à l’idée de progression.
Tout évaluateur rigoureux se sent ainsi interpellé par la progression au moment où il évalue la conduite de l’analyse dans un mémoire de recherche. Nous en distinguons principalement deux types de progressions : la première est thématique et, la seconde, grammaticale. La progression thématique c’est la succession des thèmes et des propos. Elle peut être une progression à thème constant, à thème linéaire ou à thème éclaté. La progression grammaticale concerne, quant à elle, en première intention, la mise en relation des faits et idées dans la structure des énoncés (simple, composée, complexe), les connecteurs logiques de propositions, les concordances entre paragraphes, sections, chapitres, parties, etc. En tout état de cause, cette progression devrait illustrer le passage du connu vers l’inconnu ou la nouveauté.
Le raisonnement fait dans un mémoire a un objectif central : apporter des réponses aux questions posées. On en juge par la manière dont les « données » collectées sont présentées, interprétées et discutées. C’est ici que l’on voit si la méthodologie présentée n’était qu’une sorte de récitation ou bien un dispositif « fonctionnel ». Dans la présentation, l’on observe comment l’auteur expose les faits et les opinions recueillis : ordonnancement, visualisation, liens entre eux, etc. Ce qui est dit doit logiquement découler ou être soutenu par des évidences tirées d’un corpus ou de relevés d’observations. On devrait voir des tableaux de synthèse et autres illustrations. Il convient en effet de rappeler que les évaluateurs sont généralement sensibles à tout ce qui construit ou accroit la crédibilité : des chiffres (ils donnent des précisions), des citations (elles authentifient par exemple des opinions), des photographies, des cartes, des diagrammes, des schémas, etc.
Ces données présentées, il faut voir comment elles sont interprétées et discutées. L’interprétation consiste à donner du sens à ce qui est présenté. En réalité, les « données » ou les « observables » ne parlent pas par eux-mêmes. On peut les faire parler d’une manière ou d’une autre en fonction des perspectives dans lesquelles on les inscrit. Dans un mémoire, la perspective est déjà définie : il s’agit de leur conférer du sens en vue de la vérification d’une hypothèse. L’auteur du mémoire doit pouvoir éclairer l’évaluateur en répondant à la question ci-après : que signifie ce que je viens de constater (dans le corpus et/ou sur le terrain) par rapport à l’hypothèse ou à l’objectif « x » ? L’interprétation se fait, de préférence, avec les données-mêmes du terrain ou du corpus. Il arrive toutefois que, dans certaines situations, la littérature soit exploitée. Là où la littérature est essentielle demeure cependant la discussion.
Cette étape de l’analyse met en lumière les conditions dans lesquelles les résultats obtenus peuvent rester constants ou évoluer. L’évaluateur vérifie ici surtout l’aptitude à faire résonner en écho des résultats obtenus avec la littérature empirique et théorique. L’enjeu est de voir comment, dans son champ de recherche, l’auteur(e) positionne ces résultats par rapport à ceux d’autres travaux empiriques d’une part et, d’autre part, comment dans sa discipline il/elle les projette par rapport à la (aux) théorie(s) mobilisée(s). Dans un premier temps, il/elle justifie les écarts, les congruences ou autres. Dans le second, il/elle dit s’il y a une congruence totale avec les théories, s’il y a une remise en cause partielle ou bien s’il y a réfutation. C’est après cela que l’auteur(e) peut définitivement répondre à sa/ses question(s) de recherche.
Le positionnement ci-dessus examiné et la/les réponse(s) à la /aux question(s) posée(s) examinés, l’examinateur vérifie in fine à quoi servirait cette recherche au-delà du fait qu’il s’agit d’une exigence académique. Son attention à ce moment-là est portée, au plan pratique, sur les recommandations (formulées et éventuellement développées) qui découlent strictement de l’analyse faite. Au plan scientifique, celle-ci est orientée vers l’identification, par le/la candidate(e), de pistes pertinentes de recherche qui prolongeraient la pensée du candidat.
La conduite de l’analyse peut être notée sur trois points :
– cohérence dans le raisonnement (1pt);
– réponse aux questions posées (1pt) ;
– formulation de recommandations pratiques et identification de nouvelles pistes de recherche (1pt).
Prochain article : NOTER LA FORME DU MÉMOIRE.